
Qu’est-ce qui, à l’image de la distinction entre le « bon » et le « mauvais » chasseur des Inconnus2, ferait la différence entre le « bon » et le « mauvais » coach.
Et si ce fil rouge était la subtilité ?
C’est en tout cas ce que pourrait laisser penser François Délivré3 lorsqu’il conseille aux prescripteurs d’une mission de coaching de se poser la question suivante : « Le coach auquel vous allez confier une intervention vous semble-t-il assez subtil pour décoder et agir sur le processus ? ». Mais, au fait, c’est quoi la subtilité ?
Selon le dictionnaire, elle peut être définie comme « une grande finesse, ingéniosité », mais désigne aussi le « caractère ténu » des choses. Dans un sens plus littéraire, elle serait une forme de « légèreté », quelque chose qui « s’insinue facilement ». J.B. Blanchard4 en parle comme « une prudence bien réglée qui fait qu’on est sincère sans être simple, et pénétrant sans être trompeur ».
Dès lors dans quelle mesure le processus de coaching, définit par I.C.F Global comme « la mise en place d’un partenariat avec les clients dans le cadre d’un processus de réflexion et de créativité, afin de les inciter à optimiser leur potentiel à la fois personnel et professionnel » et le coach pourraient répondre à ces définitions ?
Naviguer avec justesse entre les rôles et les postures
Le caractère « ténu » du métier apparait dès que l’on tente d’en définir les contours. Les frontières avec d’autres métiers de l’accompagnement sont parfois « subtils ». Si le coach, contrairement au consultant, ne se positionne pas en « sachant », il ne doit pas pour autant s’interdire tout apport théorique. Si, contrairement à un psychologue qui cherchera le « Pourquoi », le coach, tourné vers l’avenir, privilégie-le « Comment », il doit toutefois poser des questions relatives au contexte (fameux Réel de la grille RPBDC) ou peut être amené parfois à réaliser des « feedback » (pour aider notamment le client à clarifier ses propos ou partager une perception). De même, pour être certifié, le coach devra à la fois respecter le cadre des 11 compétences définies par l’ICF5 tout en parvenant à développer sa propre identité… Le coach doit établir un contrat de séance, mais laisser le coaché en fixer les termes, les indicateurs et définir les enjeux…
L’art de poser les bonnes questions au bon moment
Co-créer la relation n’en est pas moins subtil ! Pour construire un climat fondé sur la confiance et le respect (C3) il faudra à la fois livrer une part de soi tout en respectant la déontologie et l’éthique du métier (C1) qui interdisent de développer des relations trop proches avec ses clients ET en conservant l’objectivité nécessaire à un accompagnement efficace (C4). De même, le coach devra être pleinement présent, utiliser ses propres ressentis comme « matière » tout en veillant à ne pas attribuer une charge émotionnelle au client qui ne serait pas sienne… ou établir des stratégies qui ne seraient que le reflet de son propre cadre de référence et pas celui du client.
En empathie, présent pour le coaché, tout en gardant un certain recul, le coach doit accepter les émotions de l’autre, sans aller jusqu’à les adopter. Souvent comparée à une danse, la relation avec le coaché est donc « légère », « fluide », « s’insinue » facilement. Le coach, la plupart du temps, adopte le rythme du coaché pour laisser émerger ce qui vient, mais doit aussi parfois recadrer le client sur ses objectifs ; le confronter quand cela semble nécessaire. Viser la fluidité certes, mais y rester vigilant pour ne pas passer à côté de quelque chose que l’on pourrait questionner. Conformément aux 3 « P »6, le coach navigue sans cesse entre « Permission » et « Protection » pour amener son client à la « Puissance », énergie qui le poussera à passer à l’action. Célébrer le client qui se donne une permission, tout en s’assurant qu’il a les moyens de se protéger… sans le freiner ! Une posture à adapter sans cesse en fonction du coaché, de ses besoins, attentes, mais également des moments de la séance : le coach devra osciller entre une position haute pour tout ce qui concerne le cadre et le processus et une position basse pour ce qui a trait au contenu même de la séance. Il devra de même veiller à se positionner d’égal à égal : ne pas être au-dessus, mais ne pas non plus se laisser impressionner, trouver le juste équilibre pour savoir à quel moment s’affirmer, à quel moment être en retrait. Cette subtilité dans la relation peut, en outre, devenir encore plus prégnante dans une relation tripartite… Par exemple, parvenir à être suffisamment assis pour savoir refuser une trop grande ingérence du prescripteur (car elle contreviendrait à l’obligation de confidentialité vis-à-vis du coaché) sans abîmer la relation commerciale requiert, sans conteste, une grande finesse des relations.
Cultiver la subtilité : une démarche continue vers l’excellence
Écouter son client avec attention (C5) exige aussi d’agir finement, voire d’être ingénieux, le coach devant être en mesure de jongler entre trois niveaux d’écoute : être pleinement présent à ce qui se dit (tout en ne s’arrêtant pas toujours à la description qui lui est faite et en essayant de « décrypter les propos »), à ce qui ne se dit pas (le non-verbal) mais aussi disponible pour accueillir ses propres émotions (ce que V. Lenhardt appelle 3ᵉ écoute). Pour que le client trouve SES réponses, le coach doit avoir l’art de poser des questions puissantes (C6), ainsi, il devra subtilement :
- Savoir quand privilégier les questions ouvertes (par exemple en phase de découverte), les questions de clarifications (pour être certain de ce qui se dit) ou les questions fermées (parfois utiles quand il s’agit par exemple de confronter le client C7/C8),
- Être en mesure de trouver le rythme adéquat en évitant d’enchainer trop rapidement les questions, voire en sachant utiliser le silence (outil puissant pour aider le coaché à cheminer…)
Enfin, si le coach doit amener son client à concevoir des actions (C9) et à planifier des objectifs (C10), il devra une fois de plus trouver un subtil équilibre pour ne pas sortir de sa posture ! Il a, certes, la responsabilité des moyens mis en œuvre, mais il devra garder en tête que seul le client est responsable de l’atteinte des objectifs (C11) voire le lui rappeler ! Tout en étant impliqué dans la démarche, il devra accepter de renoncer parfois à une efficacité immédiate pour faire naître une efficacité opérationnelle sur du plus long terme chez son coaché ! Subtilité ultime du métier de coach (d’autant plus grande que l’on ne choisit surement pas ce métier par hasard) : il faut accompagner sans porter, soutenir sans faire à la place de…
Sans suspens, si vous m’avez lue jusqu’à présent, la subtilité revêt à mes yeux ce caractère de fil de rouge ! Elle est, selon moi, un des vecteurs qui conduit à l’excellence7, gage de sa puissance ! Car oui, pour l’avoir vécu des deux côtés de la barrière, je confirme : une séance de coaching subtilement menée peut être puissante ! Je suis tout aussi convaincue que c’est en partie pour cela que je trouve ce métier passionnant et qu’il me donne beaucoup de plaisir. Comme un art au service duquel mettre tout ce que je suis pour accompagner l’autre. Mais alors la subtilité peut-elle se travailler ? OUI ! À l’image du musicien qui, à force de pratique deviendra virtuose, le coach doté d’une formation continue solide, supervisé, mentoré, partageant avec ses pairs, finira par acquérir cette subtilité précieuse pour, comme le dit François Délivré8, atteindre « L’excellence, cet art qui transcende la technique […] l’oubli des techniques que l’on maîtrise consciemment conduit à l’art, cette façon dont un professionnel joue avec intelligence des situations, en sachant par instinct, grâce à l’expérience, dans quels cas il faut intervenir, et dans quels autres il vaut mieux ne rien faire ! ».
Et vous, quel est le fil rouge de votre métier ?
- Du Je au Nous : l’intériorité citoyenne, le meilleur de soi au service de tous, 16 octobre 2019, Grenade sur Garonne
- Sketch des Inconnus, 1991 https://www.youtube.com/watch?v=QuGcoOJKXT8
- François Délivré, Le métier de coach, p. 198/463.
- J.B. Blanchard, Les maisons de l’honnête homme, p. 1772.
- https://www.coachfederation.fr/images/Certification/Compétences_clés_définies_par_ICF_monde.pdf
- Inspirés de l’analyse transactionnelle tels que définis par Patricia Crossman et Eric Berne, adaptés au coaching Daniel Chernet, « Coacher avec l’AT »
- Une des 4 valeurs véhiculées par l’I.C.F. valeurs d’intégrité, d’excellence, de collaboration et de respect
- Delivré F., Le métier de coach, p. 22-23, Eyrolles.
